Bindeshwar Pathak : l’écologie pour les intouchables

Publié le par Pauline

L’indien Bindeshwar Pathak est devenu un des modèles du développement durable. En créant des toilettes écologiques peu onéreuses via son ONG Sulabh, le sociologue a permis à des milliers d’intouchables et de femmes de retrouver leur dignité.


Dr Bindeshwar PathakEn Inde, plus de 700 millions de personnes n’auraient aucune installation sanitaire et déféqueraient en plein air, dans des seaux ou des latrines. En cause, le manque de politique publique et les coûts qu’engendrent l’installation d’égouts, de canalisations ou de fosses septiques, notamment dans les zones les plus défavorisées. La vidange des latrines repose sur le travail de la caste sociale la plus basse, les intouchables également appelésHarijans. À la main, quatre millions d’entre eux vident donc les rues et les latrines des excréments humains, s’exposant à toute sorte de maladies. De plus, l’insalubrité des rues provoquerait la mort d’environ 500 000 personnes, touchant particulièrement les enfants. Les femmes quant à elles, ne doivent se soulager que la nuit, à l’abri des regards.

Le docteur en sociologie Bindeshwar Pathak s’est donc attaqué dès 1970 à l’insalubrité des quartiers défavorisé de l’Inde en y installant ses toilettes. Parmi ses objectifs, améliorer la santé et l’hygiène mais également « restaurer les droits et la dignité », « réhabiliter les Harijans, les former à d’autres tâches et promouvoir leur statut d’égaux dans la société». 50 000 bénévoles mènent donc un travail de fond pour la formation et l’éducation des intouchables (électriciens, charpentiers, constructeurs, administrateurs, tailleurs, mécaniciens) mais aussi à destination de tous les indiens, les invitant à utiliser les toilettes plutôt que de déféquer dans la rue.

Des toilettes écologiques accessibles


Son système de toilettes à chasse manuelle est simple et efficace. Il s’agit de toilettes écologiques qui reposent sur deux fosses d’un mètre cinquante dont l’utilisation est alternée. Lorsque qu’une cuve est pleine, on utilise la seconde, tandis que le contenu de la première est conservé jusqu’à obtention d’un fumier non nocif pour la santé. Les chasses d’eau ne déversent que deux litres d’eau, quand celles de France dépensent environ 10 litres. De plus, un système de siphon permet d’éviter les problèmes olfactifs. L’abri de ces toilettes est réalisé avec du matériel local (briques, nattes en bambous, herbes tressées…) Dans les quartiers possédant des systèmes d’assainissement, les toilettes peuvent facilement y être reliées.

Pour aller plus loin dans son objectif environnemental, M. Pathak encourage également à « planter des arbres autour des latrines », « tirer de l’énergie des excréments » et « utiliser le fumier des toilettes pour augmenter la productivité des fermes ». Les excréments sont ainsi collectés dans des citernes sur 160 centres et connectés à des convertisseurs pour produire du biogaz.

Dernier avantage de ces toilettes écologiques, elles sont peu onéreuses. Ainsi, leur coût minimum est de 37 euros. Pour autant, les autorités locales et régionales permettent de les construire pour moins de 20 euros. Ces toilettes peuvent ainsi être installées soit par les collectivités, soit par des particuliers.  Dans les zones surpeuplées, comme les gares, Sulabh a également construit plus de 7500 toilettes communautaires. Elles sont dotées de fosses plus grandes et sont d’accès payant (1 roupie, soit moins de deux centimes d’euro) permettant leur entretien.


« Un seul être humain peut influencer le bien être de millions d’autres »


A ce jour, M. Pathak a fait construire via son ONG plus d’un million de toilettes pour 10,5 millions d’utilisateurs dans 1080 villes de l’Inde. Selon une étude récente de Beyond Boundaries, près de la moitié des utilisateurs gagnent mois que le salaire minimum. 84% sont des utilisateurs quotidiens et 75% s’estiment satisfaits du prix et de la propreté des installations.

Le succès de lONG s’exporte désormais dans plusieurs pays du monde, notamment en Afghanistan. Pour cette initiative sociale et environnementale, M. Pathak a  reçu de nombreuses distinctions à travers le monde, dont le Water Prize à Stockholm en 2009. Le comité d’attribution du prix a ainsi choisi de récompenser « un des exemples les plus surprenants de la façon dont un seul être humain peut influencer le bien être de millions d'autres. »

Publié dans L'initiative du mois

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article